Autrefois réduits à des outils de médiation d’informations entre les supporters et les clubs de football, les réseaux sociaux sont devenus une arme cruciale pour les community managers, qui souhaitent adopter une stratégie de communication personnalisée pour leur image de marque. Car les clubs sont, faut-il le rappeler, des entreprises avant tout dont le but est autant de remplir des objectifs sportifs que de s’assurer des revenus suffisants, afin de satisfaire investisseurs comme supporters. Parmi les clubs majeurs de Ligue 1 et des championnats étrangers, certains font preuve d’une grande créativité et développent des opérations de marketing digital de plus en plus efficaces.
Quand la Ligue 1 change de ton
Saisissant la portée que leur offrait des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, les clubs de Ligue 1 ont radicalement modifié leur comportement digital ces dernières années, au profit d’une stratégie plus engageante et décalée. Sur Twitter, un club comme le Toulouse F.C s’est inséré dans ce créneau en optant pour une communication plus souple, se traduisant par une utilisation plus intensive des emojis, des retweets positifs de fans du TFC ou encore des messages au ton plus léger régulièrement accompagnés de GIFs. « Nous utilisons ce ton original, parfois décalé car il correspond à notre vision du sport et du football, à savoir un divertissement. Les réseaux sociaux sont la place idéale pour aller dans cette direction. Nous sommes arrivés très tôt sur Twitter et avons rapidement identifié les codes qui fonctionnaient au sein de la communauté foot », explique Rémi Denjean, community manager du club.
« Nous sommes dans une société portée sur l’image donc forcément, la vidéo apparaît comme le contenu le plus viral »
Le nerf de la guerre désormais pour animer une communauté, c’est le visuel. Il est présent en flux continu sur les réseaux sociaux et reste le moyen privilégié pour communiquer un message. « Nous sommes dans une société portée sur l’images donc forcément, la vidéo apparaît comme le contenu le plus viral. […] Sur les réseaux sociaux, notre public cible numéro 1 va être la tranche 15-25 ans. On sait par exemple le succès qu’emporte la série Game Of Thrones chez eux. Aussi, nous avons repris plusieurs fois à notre sauce les codes de la série, notamment lors d’une campagne d’abonnements et, cet été, au moment du lancement de la saison 7. »
68′ Nous et nos supporters devant le match depuis quelques minutes !
0-1 #SCOTFC pic.twitter.com/AB96rkXU7m
— Toulouse FC (@ToulouseFC) 21 octobre 2017
Un autre club important du championnat de France comme les Girondins de Bordeaux va également assez loin dans son community management en profitant de la plateforme sociale pour répondre aux mentions, qu’elles soient positives, négatives ou humoristiques. Une utilisation osée et singulière qui tranche avec l’habituelle réserve des comptes professionnels et peut permettre au club de s’offrir une certaine côte de sympathie en se rapprochant de l’utilisateur lambda. Une stratégie potentiellement payante mais qui augmente cependant les chances de bad buzz. En somme, ces différentes approches marquent la volonté des clubs d’affiner leur communication en augmentant leur taux d’engagement avec les jeunes supporters présents sur ces plateformes.
We dont' want to taste it ?
— FCGirondins Bordeaux (@girondins) October 17, 2017
Oh… un raciste https://t.co/zgTbXM2saJ
— FCGirondins Bordeaux (@girondins) October 17, 2017
Le PSG, le cador européen du social media
Depuis son rachat par le fonds d’investissement Qatar Investment Authority en 2011, le PSG a grandement développé ses infrastructures, recruté des stars mondiales et fait désormais figure de cador européen sur le plan sportif. Avec plus de 6 millions d’abonnés sur Twitter, @PSG_Inside est très loin devant ses concurrents en Ligue 1, comme l’Olympique de Marseille et ses presque 2,9 millions de fans et Monaco qui vient de franchir les 2 millions. Une réussite sur le terrain qui s’accompagne donc également d’un fort engouement sur les réseaux sociaux.
Depuis son rachat, le PSG cherche à développer son image de marque dans le monde afin de capitaliser sur son succès. Un « Dream bigger », slogan du club, qui se traduit par une utilisation accrue et ambitieuse de Twitter afin d’en mettre plein les yeux aux abonnés, mais aussi aux potentiels twittos qui ne suivent pas encore la page. Comment alors s’y prend le PSG ? Comme la plupart des grandes équipes européennes aux canaux de communications développés, le club de la capitale a très vite mis en place un flux d’informations composé de visuels soignés, de live-tweets de matchs et de partage de vidéos. Paris a même fait appel à la start-up SoLive, une application qui permet aux CM sportifs de générer des visuels en quelques secondes. En plus de devenir une des sources principales de trafic pour son site web, Twitter permet au Paris Saint-Germain de drainer des communautés dans le monde entier grâce à ses sept comptes dans différentes langues et de s’appuyer sur ses joueurs étrangers aux communautés de fans très développées.
Ayant recruté un nouveau CM récemment, le PSG a également fait évoluer sa stratégie social media. S’inspirant des échanges humoristiques initiés par un club comme le Toulouse Football Club et depuis suivis par des équipes comme Bordeaux, Guingamp ou encore Caen, le PSG a finalement décidé de surfer sur la vague décalée qui porte les CM dans le milieu du foot. Cela se traduit notamment une interaction plus directe avec les utilisateurs du réseau. Le club n’hésite plus à interpeller ses propres joueurs aux travers de petites mises en scène, d’échanger sur un ton léger avec des fans ou de simplement répondre par des émojis taquins sur les questions portant sur le mercato.
Un nouveau venu accueilli positivement du côté du TFC. « C’est plutôt agréable de voir que sur les réseaux sociaux, les clubs acceptent de faire preuve d’auto-dérision, savent utiliser l’humour, sont originaux et sortent des prises de parole très institutionnelles et codées de leurs ambassadeurs. Souvent, nous n’avons pas ménagé la locomotive PSG, les taquinant avant nos confrontations donc si nous avons prochainement de belles idées, les échanges pourraient être très intéressants à suivre ! ». Un revirement qui devrait permettre au PSG de casser son image jusqu’ici jugée froide et distante sur les réseaux sociaux, tout en conservant une approche professionnelle dans la production de contenus.
La twittosphère s'agite. Que se passe-t-il @ThomMills ? ?
— PSG Officiel (@PSG_inside) August 28, 2017
Les ambitions digitales de l’OL
De son côté, l’Olympique Lyonnais est l’un des acteurs majeurs du championnat de France en terme de communication digitale innovante. Le club au grand palmarès a misé très tôt sur le numérique, en mettant de gros moyens. Le changement de stade en 2016 pour le « Parc OL » (aujourd’hui Groupama Stadium) constitue un événement majeur dans la stratégie de l’OL. Outre son renouveau esthétique et sa capacité de 59 186 places, le projet du Président Jean-Michel Aulas est réputé pour être un des tout premiers stades à proposer le wifi. Une couverture réseau nécessaire qui répond aux besoins de l’application Parc OL, l’autre nouveauté du club. Elle permet aux supporters de bénéficier d’un contenu inédit (angles de caméras, ralentis, compositions, etc) mais aussi de faciliter leur expérience avant et pendant la venue au stade, leur offrant la possibilité de réserver des billets, de se situer dans le stade ou de payer en cashless à la buvette.
« Nous sommes les portes parole du club sur le digital. Nous représentons le club… »
Autre initiative forte, l’OL a lancé il y a quelques années sa « SociOL room », inspirée des social rooms répandues dans les sport US, cette loge réservée à des community managers internes et externes au club permet de rassembler une poignée d’experts en social media en leur donnant accès aux avant, après match et aux joueurs pour animer les réseaux sociaux autour de la rencontre. Sur Twitter, l’OL compense son retard en terme de followers sur les autres grosses écuries de Ligue 1 en misant sur l’engagement. À la différence des autres trublions du championnat, le club ne cherche pas à faire parler à travers un humour omniprésent mais plutôt à faire vivre l’expérience au maximum à ses supporters en les impliquant le plus possible dans l’univers du club.
« Nous sommes les portes parole du club sur le digital. Nous représentons le club, ses joueurs mais aussi ses supporters pour qui l’institution représente beaucoup » rappelle Rémi. Pourtant, du côté de l’OL, on ne se prive parfois pas de petits tweets ou communiqués acides envers l’arbitre ou des clubs adverses, générant de nombreuses réactions pas toujours positives. A l’image de Jean-Michel Aulas qui fait beaucoup parler, souvent négativement, pour ses nombreux tweets acerbes envers les journalistes et même les supporters de l’OL. L’an dernier, le club a également réalisé un grand coup médiatique en signant la joueuse Alex Morgan, star mondiale du football féminin. Une signature importante sur laquelle la marque Olympique Lyonnais a pu capitaliser sur les réseaux sociaux pour étendre la réputation du club à l’étranger. L’Américaine touchant potentiellement presque 3,5 millions de followers à chaque tweet.
La réussite sourit aux puissants… #PasDePenaltyPourLyon pic.twitter.com/fbrUBWIOg8
— Olympique Lyonnais (@OL) September 20, 2017
La Premier League révolutionne les annonces mercato
De l’autre côté de la Manche se trouve une autre dimension. La Premier League, qui connaît une exposition internationale colossale grâce aux droits TV et aux nombreuses stars internationales du championnat, évolue dans une autre catégorie. La plupart des clubs emblématiques de Premier League misent principalement sur Twitter pour développer leur stratégie social media. Très populaires bien avant la naissance d’Internet et des réseaux sociaux, les clubs du Big Five (Manchester United, Chelsea, Liverpool, Arsenal et donc Manchester City) n’ont pas eu à se forcer pour engranger les fans sur leurs comptes officiels, tous dépassent la barre des 5 millions de followers.
Mais ces dernières années, la vidéo a pris une place prépondérante dans l’utilisation faite par les community managers des clubs anglais. « Niveau Angleterre, ce qui nous fait beaucoup sourire en ce moment, c’est le club de Championship de Bristol qui utilise des gifs délurés de ces joueurs sur Twitter lors de chaque but. On sent qu’ils prennent beaucoup de plaisirs à les tourner, les Twittos le ressentent et adhérent et pas uniquement ceux qui suivent ce club, loin de là », souligne Rémi. En remontant un peu en arrière, impossible de ne pas penser à la longue saga Paul Pogba à Manchester United qui aura rendu fou les amateurs de ballon rond et qui sera conclue en août 2016 par une annonce de signature via une vidéo d’Adidas mettant en scène le joueur et le hashtag #Pogback. Une énorme opération marketing qui aura bénéficié au club, au sponsor et au joueur mais qui aura probablement irrité bon nombre de fans de football face à une telle mise en scène médiatique orchestrée par les différents partis.
C’est sur cette lancée que lors du mercato estival 2017, plusieurs clubs de Premier League se sont essayés à des opérations de communication inédites. S’appuyant sur le succès des contenus vidéo très attractifs pour l’internaute, plusieurs équipes ont lancé une nouvelle tendance avec de véritables mises en scène des nouvelles recrues dans des courts formats de quelques secondes. Suite à la pression des supporters sur Twitter qui désespéraient de voir un nouveau joueur arriver, Liverpool s’est pris à leur jeu en présentant la nouvelle recrue Moahmed Salah lisant les tweets et annonçant sa propre signature. De son côté, le club d’Aston Villa va même jusqu’à mettre en scène une conversation fictive entre membres du club sur WhatsApp pour annoncer la venue de John Terry. Toujours en vidéo, Crystal Palace F.C. a posté un teasing pour le moins original en filmant une fumée blanche sortant d’une cheminée. Un clin d’œil au fameux rituel lors de l’annonce d’un nouveau Pape, détourné ici pour annoncer la venue du nouvel entraîneur Frank De Boer. Originales et souvent drôles, ces nouvelles formes d’annonces de signatures s’avèrent être un très bon moyen de créer de l’engagement chez des supporters excités à la fois par l’idée de voir du sang neuf dans leur équipe mais aussi par cette initiative peu habituelle. Sans compter les potentiels top tweets à l’effet boule de neige qui pourront toucher un plus large public.
— Liverpool FC (@LFC) June 22, 2017
En l’espace de quelques années, Twitter est devenu un outil indispensable pour les clubs de football. Comment vais-je communiquer avec mes supporters ? Quel type de contenu leur proposer ? Comment répondre à leurs attentes ? Autant de questions que doivent se poser les CM dans leur stratégie social média afin de satisfaire les fans, d’en atteindre de nouveaux et ainsi de développer l’image de marque du club. Un des grands atouts du réseau social, c’est qu’il offre la possibilité aux fans de découvrir l’envers du décor, les coulisses des entraînements et plus encore. Une vidéo de deux joueurs dans le vestiaire détendu du PSG aura bien plus de retentissement qu’un album photos officiel d’un match. C’est en cela que cette nouvelle forme de communication est une aubaine pour des clubs qui peuvent s’afficher sous un jour nouveau à travers de courts messages ludiques et interagir directement avec les supporters. Attention cependant au retour de bâton. A deux nombreuses reprises, les pages officielles se sont laissés aller à quelques messages provocants ou de mauvais goût, générant la colère des supporters qui voient leur club de coeur ridiculisé aux yeux de tous. Car le community manager ne doit jamais oublier qu’il est garant de l’image que peut renvoyer son club, dont les fans sont très attachés.